Gabès, une ville universitaire en pleine expansion
26 avril 2008, La Presse (Tunis)

En l’espace de quelques années seulement, la région du henné et des grenades s'est littéralement métamorphosée.

Elle est devenue un véritable pôle universitaire, l’un des plus rayonnants de nos régions, où on a implanté des universités dans le cadre de la décentralisation de l’enseignement supérieur.  Après s’être limitée, depuis 1975 et pour une période de plus de 17 ans, à abriter l’Ecole Nationale des Ingénieurs de Gabès (Enig),  la ville s’enorgueillit aujourd’hui de compter une bonne douzaine d’institutions universitaires, accueillant plus de 22000 étudiants inscrits dans environ 78 spécialités et branches d’études, qui se répartissent dans les divers niveaux et cycles de l’enseignement supérieur.

Il s’agit d’une évolution du paysage universitaire qui a entraîné, à n’en point douter, une profonde mutation de la région de Gabès aux plans de l’animation culturelle et intellectuelle, de la marche du développement et de la physionomie de l’économie régionale, mais aussi des comportements des individus et des entreprises et, finalement, des ambitions de toute une région qui a appris, depuis l’avènement de l’ère universitaire, à voir grand dans sa manière d’appréhender l’avenir et à rêver d’un lendemain bien meilleur pour ses générations futures.

Valeur ajoutée

En dépit de son jeune âge [création en 2003], l’université de Gabès a réussi à accumuler de l’expérience au fil des dernières années, tant au niveau de la formation diplômante et de la recherche scientifique au profit de son effectif d’étudiants que de la contribution au développement socioéconomique de la région et à la dynamisation de sa vie culturelle et intellectuelle. C’est ainsi que toute la zone de Gabès-Sud, qui constituait il y a seulement quelques années une étendue géographique très peu peuplée, privée des commodités les plus élémentaires, s’est transformée aujourd’hui, grâce au campus universitaire de la cité Erriadh de Zerig, en une zone vivante et dynamique où ont prospéré toutes sortes d’activités commerciales et de services, et où la valeur de l’immobilier a, bien sûr, connu une courbe ascendante. Abritant de grandes institutions universitaires telles que l’Enig, la Faculté des Sciences, l’Institut supérieur de l’informatique et du multimédia, l’Institut supérieur des sciences appliquées et de technologie, l’Institut supérieur des études juridiques, le rectorat ainsi que des foyers et des restaurants universitaires, cette zone est devenue, aidée en cela par l’existence du complexe sportif, un pôle qui attire les promoteurs immobiliers et les investisseurs, lesquels considèrent que l’avenir de la région appartient désormais à cette zone, qui procure encore une réserve foncière très intéressante.

Toutefois, l’effet tonique de l’université sur le paysage urbain  de la région ne s’est guère limité à la délégation de Gabès-Sud. Gabès-Ville a eu sa part de gâteau grâce au dynamisme que lui ont conféré des institutions comme l’Institut supérieur des Langues, l’Institut supérieur des Arts et Métiers et l’Institut supérieur de Gestion.

Dynamisme culturel

Le chef-lieu de la ville de Gabès a, sur un autre plan, tiré énormément profit de l’existence d’une institution universitaire rayonnante, qui est le Centre universitaire d’animation culturelle et sportive, considéré comme la meilleure illustration de l’impact positif de l’université sur la région en termes d’animation. Situé au cœur de la ville, ce centre est une véritable cellule vivante qui, depuis sa création en juillet 1999, n’a cessé d’attirer de jeunes étudiants et étudiantes pour faire étalage de leur créativité, leurs talents et leurs dons dans des domaines aussi divers que le théâtre, la musique, les sports, les arts plastiques, la calligraphie, le cinéma, l’informatique, l’audiovisuel, la sculpture, la poésie, la création littéraire et les activités de loisirs.

Cependant, il faut avouer que la scène culturelle dans le gouvernorat de Gabès doit aussi son regain de dynamisme aux autres établissements universitaires qui regroupent plus de 62 clubs culturels et aux cités universitaires qui ont marqué de leur empreinte tout l’environnement social et culturel. Aussi la région de Gabès est-elle devenue, durant la dernière décade, un véritable pôle intellectuel où sont organisés, chaque année, des symposiums d’envergure internationale sur des thématiques académiques, scientifiques, artistiques et technologiques diverses.

Outre les séjours scientifiques de haut niveau, l’échange d’expérience et de savoir-faire avec les universités et les centres de recherche étrangers ont aidé les institutions de Gabès à mettre en place le système LMD (licence, master, doctorat) de manière progressive dans la formation diplômante de plus de 50 spécialités d’études et se sont soldés par la réalisation de nombreux projets scientifiques se rapportant aux domaines de l’énergie, de l’environnement et de la chimie, outre la mise sur pied de projets communs de licences appliquées en codiplômation.

Epanouissement économique

Volet économie, les retombées ne manquent pas. Rien que pour la construction de projets universitaires ou dans le cadre du budget annuel de l’université, des enveloppes énormes évaluées à des millions de dinars sont dépensées chaque année dans la région et ne sont pas sans avoir un impact positif sur le marché de l’emploi. Selon le rectorat de Gabès, plus de 67 millions de dinars ont été dépensés dans le secteur des constructions universitaires dans le gouvernorat de Gabès depuis le Changement du 7 novembre 1987 jusqu’à 2008.

De même, les milliers d’étudiants que reçoit la région au début de chaque année universitaire, durant les dernières années, ont suscité un essor économique dans de nombreux créneaux et métiers, tels les petits commerces et les services (taxiphones, publinet, publipost, bibliothèques, photocopies et traitement de texte, location de DVD et de VCD, restaurants, salles d’aérobic, etc.).
Sur le plan des grands projets, le secteur privé a trouvé son compte dans un nouveau créneau porteur, celui de la construction des foyers universitaires privés dans le cadre de la sous-traitance de cette activité par le ministère en charge de l’enseignement supérieur au profit des investisseurs privés. La région de Gabès compte actuellement 20 foyers privés, d’une capacité de l’ordre de 2.450 étudiants et étudiantes.
Toutefois, ces multiples aspects positifs du développement universitaire ne doivent pas cacher certaines faiblesses. En effet, dans cette chaîne universitaire du reste très solide, il existe un maillon faible, à savoir la "recherche-développement". Malgré les efforts consentis ici et là dans les diverses institutions universitaires de la région, cette notion-clé et stratégique ne répond toujours pas aux attentes. Le constat est d’autant plus vrai si l’on tient compte de l’importance des ressources naturelles de la région et de son tissu économique, qui abrite le plus grand pôle d’industrie chimique dans tout le pays, et si l’on considère surtout l’arsenal scientifique et technologique de l’université de Gabès, composé de 10 unités de recherche, d’un laboratoire de recherche, d’une unité de services communs de la recherche, regroupant tout un réseau d’équipements scientifiques lourds et d’une équipe de 1.687 enseignants-chercheurs des différents grades universitaires, constituant une véritable mine de matière grise pour la région.

M. Sami Kchaou